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2/2019

Bulletin d’information sur les marchés publics 2/2019 de décembre 2019

Adoption du nouvel Accord intercantonal sur les marchés publics

En été 2019, les Chambres fédérales ont adopté la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics (LMP). Les cantons ont désormais emboîté le pas à la Confédération : en novembre dernier, la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DTAP) a approuvé à l’unanimité la révision totale de l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP).

La Suisse disposera ainsi pour la première fois d’un régime des marchés publics harmonisé à l’échelle nationale, du moins dans ses grandes lignes. Il reste cependant des différences ponctuelles entre la LMP et l’AIMP, recueillies dans un document comparatif élaboré par la DTAP, à consulter sur son site internet, tout comme le texte du nouvel Accord et un message-type assorti de commentaires de ses dispositions.

Le nouvel AIMP n’entrera en vigueur pour un canton qu’au moment où celui-ci y adhérera. Dans le canton de Berne, cette décision est de la compétence du Grand Conseil, qui adoptera probablement une loi d’adhésion. Le calendrier provisoire des travaux législatifs, qui commencent immédiatement, est le suivant :

Pour la loi d’adhésion :

  • Mars 2020 : début de la procédure de consultation publique
  • Novembre 2020 : transmission du projet au Grand Conseil
  • Mars 2021 : examen au Grand Conseil en lecture unique
  • Août 2021 : entrée en vigueur à l’échéance du délai référendaire

Pour les dispositions d’exécution cantonales :

  • Mars 2020 : début de l’élaboration des dispositions d’exécution
  • Décembre 2020 : début de la procédure de consultation publique
  • Avril 2021 : adoption par le Conseil-exécutif
  • Août 2021 : entrée en vigueur

Ce calendrier pourra encore évoluer en fonction des décisions des autorités politiques, les prescriptions actuellement valables (AIMP 2001, LCMP et OCMP) restant applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau droit. 

En parallèle aux travaux législatifs, le Bureau central de coordination des achats adoptera des mesures de formation et d’information et élaborera des instruments à l’usage des services d’achat pour faciliter l’application du nouveau droit. Nous vous fournirons de plus amples renseignements à ce sujet dans ce bulletin.

Passer de l’ancien au nouveau droit : première partie (but et champ d’application)

Nous inaugurons dans ce bulletin une série d’articles pour vous présenter de façon très concise les principales différences entre le droit des marchés publics actuellement en vigueur dans le canton de Berne et le nouvel AIMP 2019 . Ces explications ne tiennent pas encore compte des modifications qui découleront des dispositions d’exécution de l’AIMP 2019.

Chapitre 1 : objet, but et définitions

Dans le premier chapitre, c’est surtout le but (art. 2 AIMP 2019) qui subit des modifications. Désormais, le droit des marchés publics doit viser une utilisation non seulement économique des deniers publics, mais aussi durable sur les plans économique, écologique et social. De nombreuses dispositions de l’AIMP 2019 abordent et concrétisent ces deux derniers aspects (durabilité écologique et sociale).

L’AIMP reprend la notion d’utilisation « économiquement » durable des deniers publics, que le Parlement fédéral a ajoutée à la LMP afin de tenir compte d’une demande formulée par des milieux économiques pour mieux tenir compte des entreprises suisses (message-type, p. 25). Le droit supérieur pose toutefois des limites strictes : la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI, art. 5) continue à interdire toute pratique défavorisant les soumissionnaires provenant d’autres cantons. De plus, l’Accord sur les marchés publics de l’OMC (AMP) continue, pour les marchés auxquels il s’applique, à interdire toute pratique discriminatoire envers des fournisseurs d’autres pays y ayant adhéré, comme les membres de l’Union européenne.

Chapitre 2 : champ d’application

Les adjudicateurs et les marchés déjà soumis à l’ancien droit restent soumis à l’AIMP 2019, mais celui-ci énumère expressément les exclusions du champ d’application (art. 10 AIMP 2019) créées par la doctrine et la jurisprudence, comme les transactions immobilières, les attributions internes (prestations fournies par des entreprises publiques) ou les prestations fournies par d’autres pouvoirs adjudicateurs.

Le champ d’application du nouvel accord est modifié en ceci qu’en sont exclus les institutions de prévoyance de droit public (comme la CPB et la CACEB) et les marchés passés avec des organisations qui se consacrent à l’insertion professionnelle (art. 10, al. 1, lit. e et g AIMP 2019). Les cantons peuvent toutefois décider d’étendre à nouveau le champ d’application à ces marchés (et, le cas échéant, à d’autres, voir art. 63, al. 4 AIMP 2019).

Dans le prochain numéro de ce bulletin, nous vous présenterons les nouveautés concernant les principes généraux et les procédures d’adjudication.

Nouvelles CG de la CSI : mise à jour des bases contractuelles pour l’acquisition de biens et services informatiques par des collectivités publiques

Les conditions générales de la Conférence suisse sur l’informatique CSI (CG CSI) peuvent s’appliquer à toutes les transactions passées par l’administration et par des entreprises privées dans le domaine des TIC, allant des prestations d’exploitation à l’informatique en nuage (Xaas), en passant par le développement de nouveaux produits et les prestations de conseil. Les services d’achat publics disposent ainsi de conditions générales uniformisées, équitables et facilement compréhensibles pour toutes leurs transactions, ce qui leur permet, en particulier pour les marchés publics, de comparer les offres aussi sur le plan contractuel. Ces CG synthétisent des aspects juridiques importants, comme les dysfonctionnements, de façon concise et compréhensible pour les profanes. De la sorte, elles comblent en partie la brèche technologique, qui sépare surtout les grandes entreprises du secteur des TIC du personnel informatique des collectivités publiques, et compensent l’infériorité qui en résulte.

En novembre 2019, les délégués et déléguées de la CSI ont adopté une nouvelle version des CG CSI, applicable aux contrats signés à partir du 1er janvier 2020. Cette nouvelle version est le fruit d’une vaste consultation réalisée auprès des membres de la CSI et des associations d’entreprises du secteur des TIC. Les modifications ponctuelles apportées à la version antérieure, qui date de 2015, ont pour principal avantage de faciliter l’application des conditions générales à l’informatique en nuage. Dans le canton de Berne, les CG CSI s’appliquent obligatoirement, en vertu des normes TIC cantonales, aux achats de biens et services TIC réalisés par l’administration cantonale. Leur utilisation est recommandée à toutes les autres institutions assumant des tâches publiques.

Les nouvelles CG CSI peuvent être consultées sur le site www.be.ch/cg, qui présente également les conditions générales du canton applicables à d’autres types de contrats, ainsi que des contrats-type.

Décisions politiques

Le Conseil-exécutif rejette l’initiative populaire « Pour une concurrence loyale »

L’initiative « Pour une concurrence loyale, qui protège les PME et les salariés du canton de Berne », déposée en octobre 2018, exige une révision partielle de la loi sur les marchés publics (LCMP). Le comité d’initiative demande que les conditions de travail et de salaire fixées dans la convention collective de travail (CCT) soient réputées usuelles dans la localité ou la branche. Il veut aussi restreindre la sous-traitance en cascade.

Le Conseil-exécutif rejette cette initiative , car une modification de la législation cantonale sur les marchés publics ne permettrait pas d’étendre une CCT à des entreprises non subordonnées. Il estime aussi que l’interdiction des chaînes de sous-traitance va trop loin. En outre, l’initiative entrerait en contradiction avec le nouvel Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP).

C’est au Grand Conseil qu’il incombe de statuer sur la validité de l’initiative. Sa commission chargée de l’examen préalable la jugeant douteuse , elle a décidé de demander un avis de droit sur la compatibilité de ce texte avec le droit supérieur.

Motion 042-2019, « Dopage en sport ou cartels en économie : même duperie, même peine ! »

A la suite des amendes infligées par la Commission de la concurrence (COMCO) à des producteurs de gravier et de béton de la région de Berne, cette motion demande que le canton intente systématiquement une action en dommages-intérêts contre les entreprises condamnées pour ententes illégales sur les prix et qu’il les exclue des appels d’offres. Les motionnaires demandent aussi d’adopter une base légale afin de pouvoir transmettre à la COMCO les documents dont celle-ci a besoin pour analyser systématiquement les ententes sur les prix (comme les procès-verbaux d’ouverture des offres).

Le Conseil-exécutif adhère aux demandes de la motion. Il ne tolérera pas d’ententes cartellaires entre soumissionnaires et œuvrera en faveur d’une concurrence efficace. Toutefois, des analyses juridiques ont révélé que les actions en dommages-intérêts n’ont souvent que de faibles chances d’aboutir, de sorte qu’il en examinera le bien-fondé au cas par cas. Néanmoins, il entend aussi prendre des mesures d’ordre préventif contre les dommages résultant des ententes cartellaires, comme l’inscription dans les contrats de peines conventionnelles couvertes par des garanties bancaires. Il signale par ailleurs que la loi en vigueur permet aujourd’hui déjà d’exclure des soumissionnaires des futurs marchés et que des amendes pourront aussi être imposées en vertu du nouveau droit. Le Conseil-exécutif est d’accord pour créer une base légale pour les livraisons de données à la COMCO, dont il sera tenu compte lors de l’introduction du nouveau droit cantonal sur les marchés publics.

Le 3 novembre 2019, le Grand Conseil a accepté les propositions du Conseil-exécutif, a classé partiellement la motion et l’a transmise sous forme de postulat pour les objets non classés.

À l’attention des services d’achat : aujourd’hui déjà, vous pouvez détecter et sanctionner les ententes sur les prix. Vous trouverez des méthodes utiles dans des documents de la COMCO et de l’OCDE . Pour exclure un soumissionnaire ou révoquer un marché, il suffit de disposer d’indices clairs d’une entente (voir TF 2C_762/2017 ). Les services d’achat peuvent solliciter les conseils du secrétariat de la COMCO (BGBM@weko.admin.ch) pour savoir si, dans un cas concret, ils sont en présence d’une entente cartellaire et si la gravité du cas justifie l’exclusion des soumissionnaires des futures procédures d’adjudication

Décisions rendues par des autorités de justice

Si vous aviez connaissance de décisions non publiées revêtant un intérêt général, nous vous saurions gré de nous les signaler à l’adresse marchespublics@be.ch. Veuillez noter que les décisions signalées ici n’ont pas toutes force de chose jugée et que les décisions rendues dans d’autres cantons ou à l’étranger ne s’appliquent pas obligatoirement aux marchés publics dans le canton de Berne.

La classification des arrêts présentés ci-dessous reprend celle de la jurisprudence commentée dans la revue « Baurecht / Droit de la construction ».

Champ d’application

Concession : TA ZH VB.2018.00469 du 17 janvier 2019  : l’octroi du droit exclusif de recueillir des vêtements usagés en plaçant des conteneurs dans le domaine public est soumis au droit des marchés publics.

Assurances : TF 8C_453/2018 Le lien s'ouvre dans une nouvelle fenêtre du 7 mai 2019 : l’art. 98 OLAA , qui stipule des délais pour la conclusion de l’assurance-accidents obligatoire, prime le droit des marchés publics cantonal ou intercantonal, nonobstant l’obligation de procéder par appel d’offres inscrite à l’article 5 LMI (voir l’analyse critique de M. Beyeler dans DC 4/2019, p. 208).

Procédures d’adjudication

Valeur du marché : TAF B-6588/2018  du 4 février 2019 : la valeur estimée des marchés complémentaires, pour lesquels l’adjudicateur se réserve le droit de passer des marchés de gré à gré (des mandats d’étude de projet à la suite d’un concours d’architecture, en l’occurrence) doit être comprise dans la valeur du marché.

Gros œuvre et second œuvre : TA SG B2019/1  du 21 janvier 2019 : le revêtement à feuilles de pierre d’une piscine fait partie de l’enveloppe de l’ouvrage et par conséquent du gros œuvre.

Choix de la procédure : TA TI 52.2018.305  du 14 novembre 2018 : il n’est pas permis, après l’annulation d’une procédure qui n’a pas abouti, d’attribuer le marché de gré à gré en assouplissant les conditions qui, n’ayant pas été respectées, avaient été à l’origine de l’annulation (voir aussi DC 4/2019, p. 209).

Critères d’aptitude

Moment de l’exécution : TF 2D_25/2018  du 2 juillet 2019 : le soumissionnaire qui acquiert l’équipement nécessaire à l’exécution du marché après le dépôt de son offre et ne remplit dès lors pas à cette date les exigences du cahier des charges technique doit être exclu de la procédure. Toute dérogation à ce principe aurait dû être prévue dans l’appel d’offres.

Droit du marché intérieur : TF 2C_111/2018  du 2 juillet 2019 : pour satisfaire au critère d’avoir un bureau sur le lieu d’exécution, il suffit de l’aménager après l’adjudication, car il serait contraire au droit du marché intérieur d’exiger des soumissionnaires qu’ils disposent d’un bureau sur le lieu d’exécution au moment de déposer leur offre.

Critères d’adjudication

Cahier des charges technique : TA ZH VB.2018.00450  du 15 novembre 2018 : le non-respect de critères obligatoires qui ne sont pas des critères d’aptitude ne mène pas obligatoirement à l’exclusion de la procédure. Si, lors de l’examen des offres, il s’avère qu’aucune d’entre elles ne satisfait à tous les critères obligatoires, le pouvoir adjudicateur peut assouplir les critères afin de pouvoir mener le concours à terme.

Méthode de notation : TAF B-4086/2018  du 12 août 2019 : le Tribunal administratif fédéral estime admissible l’utilisation d’une courbe de notation qui, pour les critères de qualité, attribue aux offres une note allant de 1 à 5 en fonction de leur score, de sorte que même les offres de très mauvaise qualité obtiennent au moins la note 1 et donc 20 pour cent du total des points. La jurisprudence du Tribunal fédéral exige uniquement la pondération minimale du prix, mais pas de la qualité.

Expériences du pouvoir adjudicateur : TA GR, PVG 2018-28  du 12 septembre 2018 : pour le critère d’adjudication « qualité », le service d’achat peut prendre en considération ses expériences avec un soumissionnaire, sans l’entendre au préalable.

Références : TC BS, VD.2018.236 du 10 mai 2019 : lorsqu’une personne mentionnée comme référence dans l’offre n’est pas joignable, le service d’achat peut attribuer 0 point au critère d’adjudication en question.

Références : TA ZH VB.2018.00450  du 15 novembre 2018 : le service d’achat peut prendre en considération des objets de référence exécutés par un prédécesseur en droit du soumissionnaire ou par un département appartenant auparavant à une autre entreprise.

Références : TAF B-5601/2018  du 24 avril 2019 : le service d’achat peut tenir compte de sa propre initiative d’un objet de référence que le soumissionnaire a réalisé pour son compte, mais qu’il n’a pas indiqué dans l’offre.

Erreur dans l’offre : TC FR 602 2019 8  du 17 juillet 2019 : la correction d’une erreur de frappe ou de calcul dans une offre doit rester exceptionnelle, d’autant plus lorsqu’elle est demandée après avoir pris connaissance des offres concurrentes, en raison du risque d’abus que cela comporte. En l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une erreur de décimale, car l’adjudicateur n’a pas pu la corriger sans prendre contact avec le soumissionnaire, qui a par ailleurs fourni des explications confuses.

Prix et frais non influençables : TF 2C_111/2018  du 2 juillet 2019 : en vertu du principe de neutralité concurrentielle des pouvoirs publics, les soumissionnaires qui ont déjà fourni des prestations ne doivent pas être avantagés, de sorte qu’il est admissible de ne pas tenir compte des coûts inhérents à l’octroi du mandat à un nouveau fournisseur (obiter dictum, consid. 4.1).

Exclusion de la procédure

Obligation de collaborer du soumissionnaire : CJUE, C-124/17  dans l’affaire Vossloh Laeis du 24 octobre 2018 : un soumissionnaire peut être exclu de la procédure lorsqu’il n’a pas aidé l’adjudicateur à déterminer sa fiabilité, en refusant concrètement de présenter à celui-ci la décision prise à son encontre concernant une amende infligée pour infraction au droit de la concurrence.

Identité du soumissionnaire : TF 2C_969/2018  du 30 novembre 2019 : il incombe au soumissionnaire de désigner avec exactitude la société du groupe qui présente l’offre. Exclure un soumissionnaire qui a indiqué une raison sociale erronée ne relève pas d’un formalisme excessif.

Procédure de recours

Intérêt digne de protection : TC BL 810 18 226  du 20 février 2019 : un soumissionnaire potentiel n’a pas le droit de demander à un service d’achat de rendre une décision en constatation concernant l’applicabilité du droit des marchés publics à lui-même ou à un de ses projets.

Effet suspensif : TAF B-3374/2019  du 12 novembre 2019 : l’instance de recours peut réexaminer l’effet suspensif du recours et le retirer lorsqu’il s’avère, pendant la procédure, que les conditions dont il est assorti ne sont plus remplies.

Application d’office du droit : TC AG, AGVE 2018 p. 261 du 3 décembre 2018 : l’instance de recours doit prendre d’office en considération l’illicéité du choix de la procédure, même contre la volonté du recourant.

Adjudication et durée

Durée du contrat : TA TI 52.2018.472  du 17 janvier 2019 : tout contrat qui se prolonge automatiquement ou qui peut être prolongé de façon illimitée est illicite, car il enfreint le principe d’égalité de traitement en excluant les futurs concurrents du marché (pour l’administration cantonale, voir aussi l’art. 17, al. 2 OOMP).

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